Economie
Achoura: la pandémie pèse lourdement sur le marché des jouets
17/08/2021 - 10:48
Aïcha Debouza"Je deviens de plus en plus gêné de vous annoncer les prix, mais c’est cher pour nous aussi de les acheter", explique, très intimidé, Brahim, un marchand de jouets à sa cliente qui conteste la hausse des prix. L’avenue de Strasbourg qui longe le marché de Derb Omar n’est plus la même. Le beau désordre causé par les marchands ambulants, les charrettes ainsi que les passants, s’est transformé en une inerte ordonnance. A deux jours seulement de l’Achoura, alors que les rues du marché débordaient de gens, il n’y a presque plus un chat.
Des poupées, des pistolets à eau, des voitures à piles ou télécommandées, Barbie, et un tas d’autres jouets. De quoi susciter la curiosité des enfants et en faire un paradis sur terre. Ces jouets exposés encombrent les étalages de différents magasins sans pour autant attirer les files d’attentes dont a été habitué le marché. Les magasins de jouets qui, d’habitude profitaient de cette période de fête pour réaliser au moins 40% de leurs chiffres d’affaire ne savent plus quoi faire cette année. Remplissant paniers et sacs, les clients se rassasiaient dans les rayons de jouets bien achalandés. "Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le marché a été meurtri par la pandémie", ajoute Brahim.
"Ça fait trois années que la situation ne change pas. Le commerce s’empire de plus en plus à cause de plusieurs facteurs tels que le transport. La pandémie quant à elle, n’arrange pas les choses", s’inquiète un autre commerçant de jouets. En effet, l’été de l’année 2021 s’est annoncé encore plus chaud que les années précédentes dans le secteur du commerce de gros et de détail. Le prix des conteneurs dans le transport maritime ont, depuis la propagation du virus vu une monté en flèche, ce qui a entrainé les chargeurs à subir de plein fouet une hausse impactant à la fois les importations et les exportations marocaines. Un constat, qui pénalise aussi le consommateur ainsi que le commerçant car le prix des jouets augmente systématiquement, dépassant le pouvoir d’achat des Marocains.
Les pétards, ou dangereuse coutume
Qui dit Achoura, dit soirées rythmées par les bruits d’éclats de pétards de toute sorte. Bien qu’ils soient interdits, les détonations assourdissantes, les pétards et feux d’artifice de tout genre se vendent comme chaque année, par de jeunes marchands ambulants proposant leurs produits à tout passant. "Les pétards sont de plus en plus difficiles à trouver et coûtent plus cher que l’an dernier", explique Hamza, un jeune marchand ambulant. Constamment pourchassés par la police, ces derniers poursuivent leur commerce de manière illégale mais peinent, ces derniers temps, à se procurer toute matière explosive. Ces pétards sont généralement importés de Chine et distribués en grande partie à Derb Omar.
La promotion d’arrêt de vente desdites matières explosives a vu le jour il y a environ une quinzaine d’années, afin d’empêcher leur entrée sur le territoire national. La loi portant sur les substances explosives prévoit une peine d’emprisonnement de 2 à 5 ans, en plus d’une amende oscillant entre 50.000 DH et 500.000 DH. Cette peine concerne également les personnes qui importeront ou fabriqueront illégalement des matériaux pyrotechniques. Si ces produits pyrotechniques sont attrayants, ils représentent cependant un grand danger public. C’est une menace pour la santé des enfants, des femmes enceintes, et de tous les citoyens.
Leurs explosions risquent de causer des dommages à la vue et à l’audition. Leurs lésions sont terribles. Ils peuvent également déclencher des incendies. Les victimes de ces engins sont de plus en plus nombreuses. Certains ont perdu des doigts, des mains. D’autres ont perdu la vue ou devenus sourds. Et c’est d’ailleurs pour ces quelques raisons parmi tant d’autres que leur vente a été interdite.
Une position stratégique
Considéré comme le plus grand marché de jouets au Maroc où l’on vend des jouets en gros ou en détail, Derb Omar devient habituellement le 10e jour après le jour de l'an musulman ou Muharram (soit le 10e jour du mois de Muharram), pendant dix jours, une grande foire à jouets, plaque tournante du commerce formel et informel. C’est dans ce marché qu’atterrissent toutes les importations de ces produits en provenance de Chine. Tous les marchands des quartiers de la métropole, mais aussi des autres villes du Royaume, viennent s’y approvisionner. De par sa proximité avec le port de Casablanca, sa position stratégique a été privilégiée par les importateurs de produits alimentaires et textiles depuis les années 30.
Ainsi, ces derniers ont commencé à s’y installer instaurant un modèle de fonctionnement faisant que chaque commerçant se spécialisait selon son origine. De ce fait, les familles soussis s’adonnaient automatiquement à l’agroalimentaire tandis que les originaires de Fès se spécialisaient dans le textile, la vaisselle ou encore le plastique. Commerçants juifs, européens puis marocains venus de plusieurs villes du pays y avaient élus domicile. Ce véritable poumon économique de la métropole a permis à nombre de familles de faire fortune dans le négoce mais est contraint aujourd’hui, à battre de l’aile.
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