Politique
Elections 2021: quand la pandémie dicte les programmes des partis
10/08/2021 - 13:30
Lina IbrizProgrammées pour le 8 septembre 2021, les élections législatives approchent à grands pas. Elles interviennent cette année dans une conjoncture particulière. Pandémie, crise économique, plan de relance … la crise de la Covid-19 a certainement changé les priorités aussi bien des Marocains que des partis politiques qui doivent proposer des programmes pouvant répondre aux attentes des citoyens. La relance économique demeure, bien évidemment, en tête des priorités de l’étape post-Covid. "La pandémie a bouleversé la façon de percevoir la politique. Aujourd’hui, même les plus libéraux parlent de l’Etat providence. On adhère de plus en plus à cette logique qui met en avant les programmes sociaux et économiques soutenus par l’Etat. Au Maroc, les programmes électoraux doivent s’orienter vers plusieurs volets principaux qui s’inscrivent dans cette même logique", indique l’expert qui fixe les axes principaux sur lesquels devraient se pencher les candidats aux élections.
La couverture sociale généralisée
Selon Garti, le financement de la couverture sociale et du nouveau modèle de développement constitue le premier défi que devra relever le prochain gouvernement et devrait donc figurer en tête des priorités dans les programmes électoraux.
"Le premier volet, qui est extrêmement important, est lié à la couverture sociale généralisée. La question qui se pose actuellement est comment va-t-on financer la généralisation de la couverture sociale. Par conséquent, je pense que le point de financement de la couverture sociale généralisée est un point fondamental sur lequel tous les partis doivent avoir un avis et des propositions claires", affirme-t-il.
"La généralisation de la couverture sociale va coûter à peu près 50 MMDH. D’où alors proviendra cet argent ? La généralisation de la couverture sociale pourra donc être financée, d’un côté, soit par des ressources ou des revenus supplémentaires, soit par l’endettement ou la cession du patrimoine de l’Etat, ou bien, d’un autre côté, en rationnalisant les dépenses actuelles", souligne l’expert".
Néanmoins, Garti regrette qu’à cet égard, "il y a un très grand problème qui se pose au niveau de l’efficacité de l’investissement du capital public. Le Maroc est l’un des pays où l’Etat investit le plus au monde en pourcentage de PIB, néanmoins le pays représente des résultats très timides en termes de croissance…Il faudrait remédier à cela pour générer plus de croissance pouvant absorber les dépenses importantes qui accompagneront la généralisation de la couverture sociale".
Le nouveau modèle de développement
Le deuxième volet sur lequel devrait se focaliser les programmes électoraux en cette période délicate, selon Zakaria Garti, est le nouveau modèle de développement.
Il rappelle que "le rapport de la Commission spéciale sur le Nouveau modèle de développement estime que le déploiement du modèle de développement coûtera entre 4% et 5% du PIB, ce qui représente des besoins énormes et d’importantes dépenses à venir. A mon avis, il faudrait intervenir sur ces deux volets. Le financement à la fois de la couverture sociale généralisée et du modèle de développement est un véritable enjeu. Les partis politiques doivent nécessairement parler de cela dans leurs programmes politiques, car cela me paraît le défi le plus important que devra impérativement relever le prochain gouvernement".
La souveraineté industrielle
"Depuis le début de la pandémie, la souveraineté est devenue plus importante. Aujourd’hui, on parle de souveraineté industrielle, c.-à-d., investir davantage dans l’industrie ou plutôt investir dans les secteurs stratégiques de l’industrie. Et nous avons vu cela avec l’initiative royale sur la production de vaccins, qui est un sujet très important en termes de souveraineté à la fois industrielle et sanitaire", explique Garti.
L’emploi constitue aussi un enjeu majeur. Le Maroc est plus que jamais appelé à investir dans les secteurs industriels créateurs d’emplois, notamment le textile, l’automobile, l’agro-industrie etc. qui sont des secteurs à fort potentiel en termes de création d’emplois. "Malgré les nombreuses initiatives mises en place pour encourager l’investissement industriel, notamment les dérogations fiscales destinées à cela et qui s’élèvent à 3% du PIB, force est de constater que le retour sur l’investissement reste faible. Ce qui signifie que ces dérogations fiscales ne sont pas transformées en emplois. Il faudrait donc établir un bilan de ces dérogations et aller vers des secteurs plus ciblés à travers un soutien direct de l’Etat auprès de certaines industries afin de créer des emplois", préconise -t-il.
La souveraineté sanitaire
Concernant la santé, le président du mouvement Maan estime que l’enjeu majeur auquel devra faire face le prochain gouvernement serait d’essayer de combler le manque en personnel médical. "Le Maroc souffre d’un manque énorme en personnel médical, qu’il s’agisse de médecins ou d’aides-soignants. Pour combler ce manque et atteindre les prérequis de l’OMS, il faudrait former 4.000 médecins par an. Or, on ne forme pas un médecin en une année ni dans un amphithéâtre. Cela nécessite d’énormes investissements pour la création de centres hospitaliers universitaires et d’hôpitaux. Ce sont des investissements à faire en amont et en aval, et l’effort de formation doit être double. A mon avis, c’est ça la priorité", explique-t-il.
Dans le domaine de la santé, Garti souligne également que l’initiative de production de vaccins anti-Covid lancée par SM le Roi devrait être consolidée et généralisée à d’autres types de médicaments : "Lorsque nous parlons du système de santé, on parle aussi de médicaments. Les médicaments produits au Maroc représentent à peu près 50% de la consommation des marocains en médicaments. En conséquence, on est toujours dépendants à hauteur de 50% de l’importation".
Les partis politiques devraient donc envisager dans leurs programmes des politiques qui permettraient de réaliser une souveraineté sanitaire grâce "à une production nationale de médicaments sans toucher au pouvoir d’achat des Marocains. Si un médicament produit au Maroc coûte deux fois plus cher, on réalisera, certes, la souveraineté sanitaire, mais on touchera aussi au pouvoir d’achat déjà fragile des Marocains. Une industrie médicale nationale forte devrait permettre aussi bien à l’Etat qu’aux citoyens de réduire les dépenses médicales", conclut-il.
La formation professionnelle … un élément moteur pour l’emploi
Davantage d’investissements devraient être faits au niveau de la formation des médecins et le personnel médical en général, mais non pas uniquement, souligne Garti. Selon lui, la priorité devrait aussi être donnée à la formation professionnelle :"Chaque année, on a 200.000 bacheliers dont une grande partie n’intègre jamais le marché du travail. Cela n’est pas uniquement lié à des problèmes d’emplois ou économiques, mais surtout parce que ces personnes ne sont pas nécessairement faites pour un cursus universitaire. Raison pour laquelle il faut privilégier la formation professionnelle, comme c’est le cas en Allemagne par exemple", ajoute-t-il.
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