Economie
Taxe carbone à l’horizon 2023: les entreprises exportatrices marocaines seront-elles prêtes ?
07/07/2021 - 15:01
Nadia BenyourefPour les entreprises exportatrices marocaines, c’est toujours le flou total autour de la taxe carbone. Il faudrait encore attendre que la Commission européenne publie sa proposition sur le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) vers la mi-juillet pour avoir une idée plus claire sur la nature de ce nouvel instrument ainsi que son champ d’application.
Cette proposition sera d’ailleurs en ligne avec la résolution sur ce pacte vert votée le 10 mars dernier par le Parlement européen. Rappelons que ce mécanisme, dont l’entrée en vigueur est prévue à partir du 1er janvier 2023, permettra à l’Union européenne (UE) d’imposer ses normes environnementales aux entreprises étrangères exportant sur son territoire.
Concrètement, ce système définirait un seuil d’émissions de gaz à effet de serre à partir duquel une activité économique serait considérée comme trop polluante. Du coup, tous les biens, importés sur le territoire de l’UE et dont la production affiche un bilan carbone supérieur à ce seuil, seraient soumis à un surcoût. Une nouvelle donne qui pousserait les sociétés exportatrices à se tourner vers des technologies moins polluantes.
Les entreprises marocaines ne sont pas en reste. Elles doivent s’investir plus dans la décarbonation pour protéger leurs parts de marchés tout en gagnant en compétitivité.
Aujourd’hui, "65% des exportations sont destinées à l’Europe qui va imposer en 2023 une taxe carbone dont le taux n’est pas encore défini", a précisé le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, à l’occasion de la 2e édition des Rendez-vous de l’industrie organisée le 8 juin dernier sur le secteur de l’agroalimentaire.
Il est d’ailleurs prévu que le MACF ferait l’objet ce mois de juillet d’une proposition législative par la Commission européenne. Plusieurs options sont actuellement sur la table : droits de douane sur les produits à forte intensité carbone, paiement d’une taxe carbone (taxe sur le contenu carbone du produit importé comme s’il avait été fabriqué par le pays importateur), subvention à l’export des entreprises européennes engagées en matière de climat, extension du système d’échange de quotas européens aux importations appliqué actuellement.
Quelles que soient la forme et la valeur de ce surcoût, les entreprises exportatrices, afin d’éviter ce contrôle carbone aux frontières et les coûts associés, doivent s’y préparer activement, en tirant profit de toutes les mesures stratégiques et les programmes d’accompagnement mis à leur disposition dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable (SNDD).
Saïd Mouline, le directeur général de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE), qui a pris part à ce même événement, a indiqué que la SNDD touche tous les secteurs industriels, précisant que la mise en place prochaine de la taxe carbone impose aux produits marocains la décarbonation pour qu’ils soient exportables.
Mouline a souligné, à cet égard, l’importance de l’utilisation des énergies renouvelables et de la biomasse pour réduire la facture énergétique des industriels et leur permettre de fabriquer des "produits nationaux exportables, décarbonés et compétitifs".
Pour mémoire, la SNDD qui a été adoptée par le Conseil des ministres, tenu le 25 juin 2017, sous la présidence de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, constitue le cadre de référence pour tous les programmes sectoriels dans l’objectif d’accélérer la transition vers une économie verte et inclusive au Maroc d’ici 2030.
Elle est opérationnalisée actuellement à travers le suivi de la mise en œuvre de 28 plans d’Actions du développement Durable (PADD) et à travers le PEA. Au niveau territorial, des conventions ont été signées avec les régions pour intégrer des objectifs de Développement durable dans les plans régionaux de développement.
La décarbonation n’est pas un vœu pieux
Aujourd’hui, le chantier de développement de l'économie verte place le Maroc parmi les pays les plus compétitifs au monde en matière de production d’énergie à base de sources renouvelables. Ce positionnement offre à la base industrielle marocaine un avantage concurrentiel lui permettant de proposer aux opérateurs et aux investisseurs une énergie propre à des coûts extrêmement compétitifs.
"La décarbonation n’est pas un vœu pieux. Nous avons la chance au Maroc d’avoir une Stratégie nationale de développement durable. Sa Majesté le Roi avait cette orientation que nous ne comprenions pas au début. Nous nous disions que c’était trop cher et que s’était pour les pays riches. Or, il s’est avéré que cette énergie est à 35% moins chère que l’énergie fossile. Nous pouvons brocher nos zones industrielles à cette énergie. C’est un enjeu important, nous y travaillons au quotidien", avait précisé Moulay Hafid Elalamy.
En attendant que l’Europe fixe le seuil à calculer, le Maroc ne dort pas sur ses lauriers. Une norme marocaine reconnue au niveau européen serait en gestation pour évaluer le bilan carbone des entreprises nationales. Un pacte vert serait également en discussion entre le Maroc et l’UE pour permettre l’accompagnement de la mise en place de toute la transition vers l’économie verte, en général, et le processus de décarbonation, en particulier.
Même au niveau financement, des offres ont été concoctées pour accompagner les entreprises exportatrices dans l’intégration des énergies renouvelables dans leur processus de production. Citons à ce titre BP Green Invest (BCP) qui s’appuie sur le produit Green Invest de la CCG et de Tatwir Croissance verte (Maroc PME et AMEE).
Ce dernier programme porte sur cinq domaines prioritaires. Il s’agit du conseil et de l’expertise (prise en charge jusqu’à 90% du coût d’accompagnement), des projets d’investissement dans l’efficacité énergétique et l’intégration des énergies renouvelables (prime de 30% du programme d’investissement), des projets d’innovation et de développement de nouveaux produits éco-conçus (prise en charge jusqu’à 50% du coût du projet), des projets d’amorçage de filières industrielles vertes et des projets d’optimisation des procédés de fabrication et des flux de matières (Aide remboursable de 5% du programme d’investissement). En plus de Morseff, la ligne de financement de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, destinée au secteur privé. Elle compte à son actif plus de 260 projets pour un financement dépassant les 100 millions d’euros depuis 2015.
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